La dictée à l’adulte

La dictée à l’adulte est une délégation d’écriture avec négociation pour apprendre à l’élève à produire des textes dont il est l’auteur et à se familiariser avec le français écrit avant de savoir lui-même écrire.

Son efficacité est liée à une pratique régulière et progressive.
Elle suppose une mise à distance, un débit d’énonciation permettant l’écriture, une négociation du texte à écrire.

La production d’écrits est une situation authentique de communication écrite qui suppose une situation d’énonciation (émetteur / message / destinataire).

“Produire un écrit suppose d’avoir une intention d’écrire … La situation met en jeu un émetteur. Émetteur qui produit un message pour un destinataire.”
Mireille Brigaudiot

Elle permet aux élèves de comprendre que le langage peut s’écrire, s’il obéit à certaines contraintes.
Chaque production est construite en plusieurs étapes : essais, relecture, corrections…

Vidéo : « Heureusement que j’ai fait une feuille de brouillon… » MS-GS – classe de Muriel Blandin

Programmes

« Les enfants sont mis en situation de contribuer à l’écriture de textes, les activités fournissant des occasions naturelles de laisser des traces de ce qui a été fait, observé ou appris. Ils apprennent à dicter un texte à l’adulte qui les conduit, par ses questions, à prendre conscience des exigences qui s’attachent à la forme de l’énoncé.
Ils sont ainsi amenés à mieux contrôler le choix des mots et la structure syntaxique. Á la fin de l’école maternelle, ils savent transformer un énoncé oral spontané en un texte que l’adulte écrira sous leur dictée ».

« À la fin de l’école maternelle, l’enfant est capable de produire un énoncé oral dans une forme adaptée pour qu’il puisse être écrit par un adulte. »
Programmes de l’École Maternelle 2008

« Il ne s’agit pas seulement de laisser une trace écrite ; l’enjeu cognitif essentiel réside dans l’acquisition de la capacité à produire un message construit compréhensible pour un tiers dans une situation de communication authentique, dans la prise de conscience que « l’on n’écrit pas comme on parle »…Comme pour la compréhension, le travail mental d’élaboration nécessaire à la construction d’un texte est invisible pour les enfants ; il serait nécessaire de le rendre accessible en le pratiquant devant eux. »
Rapport de l’IGEN- octobre 2011 – p132

Repères de progressivité

Se familiariser avec l’écrit
Petite sectionMoyenne sectionGrande section
Contribuer à l’écriture d’un texte. Produire un énoncé oral dans une forme adaptée pour qu’il puisse être écrit (dictée à l’adulte).Contribuer à l’écriture d’un texte. Produire un énoncé oral pour qu’il puisse être écrit (vocabulaire précis, syntaxe adaptée, enchaînements clairs, cohérence d’ensemble).

Compétences recherchées dans ce type d’activités

Pour atteindre la compétence visée « être capable de produire un énoncé oral pour qu’il puisse être écrit par l’enseignant », il faut travailler des :

Connaissances

Découvrir le texte et ses constituants :
– sens de l’écriture
– notions de phrase, mot, lettre
– signes de ponctuation

Découvrir le principe alphabétique

Capacités

Compétences discursives : raconter, reformuler, demander, expliquer, décrire, justifier,…

Attitudes

Construire un rapport personnel à l’écrit
– développer un regard réflexif sur sa propre activité langagière
– accepter les reformulations

Être attentif et rester concentré

Références

Ressources pour faire la classe – Le langage à l’école maternelle SCEREN CNDP – mai 2011

La dictée à l’adulte y est mentionnée 32 fois. Une partie lui est entièrement dédiée.
« C’est la situation de dictée à l’adulte qui, bien et régulièrement conduite, est d’une grande portée pour la formation des enfants ; la dictée à l’adulte est un moyen pour faire produire des textes à des enfants qui ne savent pas encore écrire seuls. Elle doit permettre aux élèves de comprendre que le langage que l’on produit peut s’écrire, s’il obéit à certaines contraintes. Elle rend visible le passage du langage oral vers les signes de l’écrit quand l’adulte aide à franchir ce passage en interagissant avec celui qui dicte, en l’aidant à reformuler, en relisant. »

DVD « Apprendre à parler » Sceren-CRDP 2010

Site Eduscol : découvrir les supports de l’écrit, découvrir la langue écrite et contribuer à l’écriture de textes

Bibliographie

Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle, M.Brigaudiot, Hachette Education
Lire, écrire – Produire des textes,A-M. Chartier, C.Clesse, J.Hebrard, Hatier Pédagogie
Activités de lecture-écriture en PS et MS, D. Chauvel, Retz

Mise en œuvre

modalités / conditions matérielles

Avec quelle progressivité ?

En fonction de la période de l’année scolaire, suivant le type d’écrit, on adaptera les exigences et les notions abordées : longueur du texte, travail sur les répétitions, les éléments du texte…
Un même type d’écrit devrait être l’objet de plusieurs projets.
On peut travailler sur le même type d’écrit plusieurs fois dans une même année.

Pour écrire quoi ?

L’enseignant veille à l’authenticité des situations et des projets d’écriture : il doit y avoir un véritable destinataire, un lecteur identifié, une fonction précise à cet écrit.
Il choisit pour commencer des messages ou des lettres à des destinataires connus mais éloignés ; plus tard, on pourra produire des écrits documentaires, des fiches techniques, des règles du jeu… ou inventer des histoires. (cf. propositions d’activités)

Avec combien d’enfants ?

  • En groupe classe
    L’organisation de séances collectives favorise l’adhésion de la classe au projet, et permet de faire des retours sur celui-ci.
  • Par petits groupes
    L’organisation pédagogique la plus favorable est une organisation en petits groupes : elle rend le maître disponible pour conduire l’activité avec un petit groupe de 4 à 5 enfants, dans le cadre d’une reprise du travail de la classe.
    La dictée à l’adulte collective est alors moins profitable car ce sont les parleurs les plus habiles qui produiront le texte.
    Des groupes homogènes constitués d’élèves aux compétences langagières assez proches favorisent une participation active de chacun et une meilleure interaction avec le maître.
    Toutefois, une organisation en groupe hétérogène peut permettre aux enfants moins performants de comprendre l’activité en jeu.
  • En relation duelle
    Avec deux enfants, la dictée serait idéale : un de chaque côté du maître pour voir les mots s’inscrire comme celui qui écrit et qui est toujours relecteur. La dictée individuelle pourrait être profitable à des enfants qui présenteraient des difficultés particulières.
    Pour les élèves qui éprouvent des difficultés à formuler leurs idées, il serait souhaitable de conduire cette activité dans le cadre des APC qui permettent à l’enseignant d’être entièrement disponible pour quelques élèves.

Quelle programmation ?

Pour installer une régularité de l’activité qui est indispensable pour faire progresser les élèves, il est nécessaire de recenser toutes les occasions de production d’écrits dans les projets de la classe. (cf. propositions d’activités) .

En fonction de votre projet d’écriture, vous pouvez prévoir une séance collective de mise en route, des séances en petits groupes d’écriture intermédiaire, de tentatives… avec reprises en collectif pour voir l’avancée du projet.

Où ?

Le maître choisit un espace de la classe où il aura pris soin d’afficher les écrits connus des élèves afin qu’ils puissent y chercher des aides : cet espace deviendra « l’endroit où on se réunit pour écrire ensemble ».
Avec un groupe de 4 ou 5 élèves, il a besoin d’un support vertical de grand format, visible de tous, et lui permettant d’écrire lisiblement . Les enfants doivent être installés tous face à la feuille.
On peut penser à laisser disponible un coin pour « jouer à écrire en vrai » : manipulation de lettres, d’enveloppes, de feuilles, de tampons…

Vidéo : dictée à l’adulte PS – classe de Valérie Hertz

phases du déroulement

En PS, on recherchera la production d’un type d’écrits simple et concret, rapidement finalisé (si possible en 1 ou 2 séances).
En MS et GS, le découpage de l’activité de production d’écrit en étapes est essentiel : une seule séance ne permettrait pas aux élèves de percevoir les nombreuses procédures en jeu. Il faut un temps pour dire, un temps pour écrire sous dictée, un temps pour relire et un temps de correction/de validation.

Se préparer à écrire

Il s’agit d’une activité de production langagière orale qui va permettre la clarification du projet d’écriture. Le maître conduit les élèves à se représenter le destinataire absent : à qui s’adresse cet écrit ? Qu’avons-nous à lui dire et pour quoi faire ? Comment organiser cet écrit ? Ces échanges oraux conduisent à l’élaboration d’une trame écrite. Cet écrit au brouillon est un aide-mémoire, un point d’appui pour la mise en mots. Par exem­ple, pour une lettre, on définira le destinataire et l’objet précis du courrier.

Aide-mémoire – dictée à l’adulte MS-GS

Mettre en mots et écrire du texte dicté

Au moment de commencer la dictée du texte, le maître affiche tous les éléments préparatoires déjà élaborés en groupe classe : pense-bête, canevas, photos éventuelles, éléments de connaissances du monde.

Vidéo : dictée à l’adulte MS-GS – Classe de Muriel Blandin

Le maître aide les enfants à énoncer de l’écrit et sollicite les reformulations. Il écrit sous la dictée des élèves, tout en les conduisant à transformer leur oral en écrit, sans en changer le sens. C’est le moment de l’élaboration/négociation du texte à écrire. Le maître respecte les formulations mais n’écrit pas d’énoncés impossibles. Il intervient pour susciter des reformulations acceptables (cf. posture de l’enseignant ).

Relire

L’adulte peut proposer une relecture en cas de répétition d’un mot dans une phrase ou un problème qui gêne la compréhension.
Chaque fois que l’adulte vient d’écrire une partie du texte, il le relit entièrement aux enfants. Ils perçoivent ainsi l’enchaînement des énoncés entre eux, la cohérence du texte.

La relecture complète du début du texte est également nécessaire quand on travaille en épisodes sur une production longue afin que les élèves se souviennent du texte déjà produit, et se réinscrivent dans sa suite logique.

Cette relecture permet de valoriser la permanence de l’écrit : la trace produite lors de la dernière séance est restée la même.

Améliorer et finaliser l’écrit

Lors de cette séance, on cherche à enrichir le lexique et/ou la syntaxe. On précise certains points. On recopie « au propre » pour produire le document final.

Document final – dictée à l’adulte MS-GS

rôle et posture de l’enseignant

En cours d’écriture, l’enseignant énonce à voix haute ce qu’il écrit, au fur et à mesure qu’apparais­sent les mots. Il dit ce qu’il est train d’écrire. Cette conduite permet à l’enfant de s’ajuster à la vitesse d’écriture de l’adulte, et de découvrir ainsi de façon implicite les différents segments de la phrase.

L’adulte fait reformuler, modifier, certaines formes propres à l’oral. L’énoncé doit être « écrivable ». Il faut toutefois être vigilant à respecter le plus possible les formulations des élèves pour ne pas trop normer leur énoncé par rapport à la langue écrite idéale.

Au cours de cette étape, le maître répond aux questions des élèves qui sont autant d’indicateurs de leur réflexion sur l’activité d’écriture. Il favorise ainsi des conduites métalinguistiques et rend explicite la nature de l’écrit.

“En voyant le maître écrire et réécrire, en l’entendant réfléchir à haute voix et expliquer pourquoi telle formule peut être meilleure que telle autre, les enfants entreraient dans le travail d’écriture. Cette sensibilisation, cette acculturation devrait commencer en section de petits pour qu’en section de moyens, il devienne possible d’enrôler les élèves dans l’activité de production d’écrit.”
Rapport IGEN Maternelle 2011-108, p 131

Le maître commente son activité de scripteur. Pour parler du langage avec exactitude, il emploie quelques termes exacts soigneusement choisis : histoire, début, fin, mais également phrase, mot, lettre, ligne, et quelques expressions moins techniques, mais exprimant le rôle d’un mot, par exemple « les mots qui permettent d’accrocher ensemble les morceaux d’une histoire ».
Le maître essaie de faire repérer aux enfants les marques de ponctuation les plus importantes : le point, les guillemets…

Conseils pour réussir

Qu’observer chez l’élève ?
  • la participation à l’activité
  • la capacité à reformuler des irrégularités, des répétitions, des manques… dans le récit
  • la capacité à opérer des pauses dans son énoncé ou à ralentir son rythme d’énonciation pour laisser à l’adulte le temps d’écrire
  • la capacité à identifier différents types d’écrits (ex : la lettre)
  • savoir utiliser des termes liés à l’activité d’écrire (ex : un stylo, une enveloppe…) / au texte écrit (ex : la signature, un espace…).

Propositions d’activités

Extraits de Ressources pour faire la classe – Le langage à l’école maternelle SCEREN CNDP – mai 2011

Avec les plus jeunes en section de moyens […], on n’abordera pas d’emblée l’écriture des histoires inventées[…] ; l’écriture de listes, de messages (aux parents, à un camarade malade, etc.), de légendes pour des dessins ou des photographies, […] met en situation de produire des écrits courts en procédant avec rigueur : que veut-on dire ? Comment va-t-on le dire pour que tous ceux qui auront à le lire le compren­nent ? Comment va-t-on ranger les mots de la liste ?

Des formes plus longues sont progressivement abordées : résumés d’histoires lues pour en garder trace dans le cahier collectif ou individuel, messages un peu plus longs… Une fois l’accord trouvé sur le contenu, un enfant, ou des enfants se re­layant, en font dictée au maître.

DomainesLire (supports papier ou numériques)Écrire
S’approprier le langage/découvrir l’écrit-Histoires,
-poèmes,
-abécédaires,
-magazine auquel la classe est abonnée,
-journal quand une information a frappé les enfants,
-textes de comptines et chansons,
-liste de titres (pour choisir),
-fiches d’emprunt à la bibliothèque.
-Journal de la classe,
-textes à la manière de …, suites de textes,
-résumés des livres lus en classe pour le cahier des histoires collectif ou les cahiers individuels,
-création d’abécédaires (personnages des histoires lues, prénoms de la classe ou de l’école, parties du corps humain, bestiaire ou herbier farfelus d’un pays imaginaire …),
-fiches d’emprunt à la bibliothèque.
Devenir élève-Règles de vie,
-informations sur la vie de l’école (affichettes dans les parties communes, notes internes),
-traces écrites d’activités.
-Règles relatives à certaines activités de la classe,
-liste des responsabilités et des enfants qui les assument,
-traces d’activités : notes pour continuer plus tard, institutionnalisation de connaissances, etc.
Agir et s’exprimer avec son corps-Règles de certains jeux,
-plan et messages d’un jeu de piste dans l’école ou dans son environnement immédiat.
-Liste des vêtements ou/et matériel nécessaires pour une activité peu habituelle,
-message aux parents pour informer d’un cycle d’activités particulier,
-textes, légendes, etc. pour album personnel ou de classe (suivi de certaines séquences inhabituelles : piscine, patinoire, etc.),
-messages pour un jeu de piste.
Découvrir le monde-Fiches ou ouvrages documentaires,
-notices techniques,
-recettes,
-calendriers divers,
-plan du quartier, du secteur dans lequel se déroulera une sortie,
-catalogues de graines en vue de semis, emballages de graines,
-affiche collective construite au cours de la démarche expérimentale.
-Comptes rendus d’activités ou d’expériences (formaliser des connaissances),
-reportage sur une sortie (photos et textes),
-fiches techniques,
-message aux parents ou grands parents pour demander de l’aide, du matériel, etc. pour jardiner,
-imagiers, jeux de lotos ou autres pour réactiver le vocabulaire,
-connaissances dégagées à l’issue d’une expérience.
Percevoir,sentir,imaginer, créer-Programme d’un spectacle musical en vue de la participation,
-titres des œuvres écoutées ou observées,
-livres d’art.
-Catalogue d’une exposition réalisée par la classe (titres des productions),
-compte rendu d’une sortie culturelle : valorisation des aspects subjectifs et sensibles,
-carnet de bord d’un projet artistique et culturel avec images et textes.
Organisation de la vie scolaire
Coopérer et devenir autonome
-Calendriers,
-emploi du temps de la classe,
-liste des élèves pour l’appel, pour le travail en ateliers, qui restent à la garderie ou à la cantine, etc.,
-informations de tous ordres pour préparer une sortie,
-menus de la cantine,
-tickets de caisse après achats pour la classe.
-Listes diverses,
-« cartes d’identité » individuelles en vue d’une sortie,
-commande pour la collation,
-album photos légendé de la classe,
-lettre pour remercier.
Liaison École/Famille-Cahier de vie individuel ou collectif ou/et cahier de liaison,
-messages des parents
-Cahier de vie (légendes de dessins et/ou photographies, etc.) et/ou cahier de liaison (messages).